Sur la couche d'ivoire où nous te contemplons
Tu dors, cher Adônis, Ëphébe aux cheveux blonds !

Ô jeune Dieu, pleuré des Vierges de Syrie,
Quand le noir sanglier blessa ta chair fleurie,
Et s'enfuit, te laissant, immobile et sans voix.
De ton sang rose et frais baigner l'herbe des bois,
Sur la montagne et dans les profondes vallées
On entendit gémir les Nymphes désolées,
Et l'écho prolongea leurs pieuses douleurs ;
Et Kypris, les cheveux épars, les yeux en pleurs,
T'enveloppant encor d'une suprême étreinte,
Troubla la paix des cieux de sa divine plainte :

- Adônis, Adônis ! Tu meurs, et je t'aimais !
Te voilà mort, et moi, je ne mourrai jamais !
Tu faisais ma beauté, mon orgueil et ma joie,
Et je ne suis plus belle, et mon corps neigeux ploie
Comme un grand lys brisé par les vents de l'hiver !
Je suis Déesse, hélas ! Toi qui m'étais si cher,
Je ne te verrai plus ! Mes lèvres embaumées
Plus jamais ne joindront tes lèvres bien-aimées
Mais, si du sombre Érèbe on ne peut revenir,
Je puis faire du moins, triste et doux souvonir,
Croître et s'épanouir, au sol où tu reposes,
Sous mes pleurs l'anémone et dans ton sang les roses !

Telle parla Kypris, et, grâce à son amour,
Tu renais et tu meurs et renais tour à tour,
Et tu rends chaque année, à la terre ravie,
L'azur du ciel, les fleurs, la lumière et la vie.

Sur la couche d'ivoire où nous te contemplons
Éveille-toi toujours, Ephèbe aux cheveux blonds !