- Ouvrez, les gens, ouvrez la porte,
je frappe au seuil et à l'auvent,
ouvrez, les gens, je suis le vent
qui s'habille de feuilles mortes.
- Entrez, monsieur, entrez le vent,
voici pour vous la cheminée
et sa niche badigeonnée ;
entrez chez nous, monsieur le vent.
- Ouvrez, les gens, je suis la pluie,
je suis la veuve en robe grise
dont la trame s'indéfinise,
dans un brouillard couleur de suie.
- Entrez, la veuve, entrez chez nous,
entrez la froide et la livide,
les lézardes du mur humide
s'ouvrent pour vous loger chez nous.
- Levez, les gens, la barre en fer,
ouvrez, les gens, je suis la neige ;
mon manteau blanc se désagrège
sur les routes du vieil hiver.
- Entrez, la neige, entrez, la dame,
avec vos pétales de lys,
et semez-les par le taudis
jusque dans l'âtre où vit la flamme.
Car nous sommes les gens inquiétants
qui habitons le nord des régions désertes,
qui vous aimons - dites, depuis quels temps ?
pour les peines que nous avons par vous souffertes.
Les Hà´tes
Emile Verhaeren
(1)
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