Le Corbeau Poem Rhyme Scheme and Analysis
Rhyme Scheme: AABBCCAAAABB AADDAAAAAACCAABBBBBB DDAACCEF CCAAGGGGAAGGBBHHAA HFAAAACCDDAABB AACCAABBDDHH AAAACCCCCCCCBBAAAACC CCBBCCHH GGAACCIIDDJJAAKGCCHH DDAA CCAAAAAALLCCCCAAAABB CCCCMMAAAAHHAAHH AACCAAJJAABBAAAAAAAA AACCCCAABBNNLLBBAAAA AAAABBAAAAHG BBGGAADDBBCCAAAAAAKG BBAAAAAAAABBAAAACCBB AAAAHHHHDDBNBBBBBBBB CCAABBHHDDDDBBCC LLHHAAAAKLCCAABBAAAA AACCAAAAAABBCCAA AABNAADDBBHHCCHHAAAA CCDDBBB BAACBAABBNNAAAACCBBB BBBAAHHBBCCAAAANBAAA ABBBBBBCCDDDDAADDAAC CAADDBBBBBB HHCCAALLBBDDBBA ABBLLBBBBBBBBBBBBHHC CBB CCCCAAHHCCCCDDBBLLAA BBBBAAHHAAAAAABBAABB AADD AAS rapion abb des onze monast res | A |
D'Arsino soumis aux trois r gles aust res | A |
Sous Valens empereur des pays d'Orient | B |
Un soir se promenait m ditant et priant | B |
Silencieux le long des bas arceaux du clo tre | C |
Le soleil disparu laissait les ombres cro tre | C |
Du sein des oasis et des sables d serts | A |
Les astres s' veillaient dans le bleu noir des airs | A |
Et si n' tait parfois du fond des solitudes | A |
Quelques rugissements de lion brefs et rudes | A |
Autour du monast re en un repos complet | B |
Et dans le ciel la nuit vaste se d roulait | B |
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L'abb S rapion d'un pas lent sur les dalles | A |
Marchait faisant sonner le cuir de ses sandales | A |
Anxieux de l' dit imp rial lequel | D |
tait une pouvante aux serviteurs du ciel | D |
Ordonnant d'enr ler par l gions subites | A |
Pour la guerre des Goths cent mille c nobites | A |
Car en ce temps l ceux qui dans le monde pars | A |
Cherchaient l'oubli du si cle en Dieu de toutes parts | A |
En haute et basse gypte abondaient vieux et jeunes | A |
Afin d' tre sauv s par pri res et je nes | A |
Et c'est pourquoi l' dit sign de l'Empereur | C |
Emplissait les couvents de trouble et de terreur | C |
Et toute chair saignait sous de plus lourds cilices | A |
Pour d sarmer J sus touch par ces supplices | A |
Or l'Abb m ditait sur cela d'un esprit | B |
Plein d'angoisse et priait pour son troupeau proscrit | B |
Levant les bras au ciel et disant Dieu m'assiste | B |
Mais comme il s'en allait le front bas l' me triste | B |
Dans l'ombre des arceaux voici qu'il entendit | B |
Brusquement une voix tr s rauque qui lui dit | B |
V n rable seigneur soyez moi pitoyable | D |
Et l'Abb se signa croyant ou r le Diable | D |
Et ne vit rien le clo tre tant sombre d'ailleurs | A |
La voix sinistre dit J'ai vu des temps meilleurs | A |
J'ai fait de beaux festins Et par une loi dure | C |
Aujourd'hui c'est la faim sans tr ve que j'endure | C |
Or mon pieux seigneur n'en soyez tonn | E |
J' tais d j tr s vieux quand Abraham est n | F |
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Au nom du roi J sus d mon ou cr ature | C |
Qui m'implores avec cette trange imposture | C |
Qui que tu sois enfin qui me parles ainsi | A |
Viens Dit l'Abb Seigneur dit l'autre me voici | A |
Et sur la balustrade aussit t une forme | G |
Devant S rapion se laissa choir norme | G |
Un oiseau gauche et lourd l'aile ouverte demi | G |
Mais dont les yeux flambaient sous le clo tre endormi | G |
L'Abb vit que c' tait un corbeau d'une esp ce | A |
G ante L' ge avait tordu la corne paisse | A |
Du bec et par endroits le corps tout d plum | G |
D'une affreuse maigreur paraissait consum | G |
Certes la foi du Moine tait vive et robuste | B |
Il savait que la gr ce est le rempart du juste | B |
Mais n'ayant jamais eu de telle vision | H |
Il se sentit fr mir en cette occasion | H |
Et les yeux de la B te clairaient les t n bres | A |
Tandis qu'elle agitait ses deux ailes fun bres | A |
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S rapion lui dit Si ton nom est Satan | H |
D mon chien r prouv je te maudis Va t'en | F |
Par la vertu de Christ le r dempteur des mes | A |
Je te chasse retombe aux ternelles flammes | A |
Et ce disant il fit un grand signe de croix | A |
Je ne suis point celui saint Abb que tu crois | A |
Dit l'oiseau noir riant d'un sombre et mauvais rire | C |
Ne d pense donc point le temps me maudire | C |
Je suis n corbeau Ma tre et tel que me voil | D |
Mais il y a beaucoup de si cles de cela | D |
La famine me ronge et je veux de ta gr ce | A |
Quelque peu de chair maigre d faut de chair grasse | A |
Seigneur Moine en retour je te dirai comment | B |
J'apporte un s r rem de ton secret tourment | B |
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Nous ne touchons jamais selon nos saintes r gles | A |
Aux p tures des loups des corbeaux et des aigles | A |
Dit l'Abb Va r der si tu veux de la chair | C |
Sur les champs de bataille o moissonne l'Enfer | C |
Ici pour r parer ta faim et tes fatigues | A |
Tu n'aurais qu'un morceau de pain noir et des figues | A |
Soit Dit le vieil Oiseau je ne suis point friand | B |
Et toute nourriture est bonne au mendiant | B |
Qu'un dur je ne depuis trois si cles ronge et br le | D |
Suis moi donc dit l'Abb jusques en ma cellule | D |
Et l'autre tout joyeux de l'invitation | H |
Par les noirs corridors suivit S rapion | H |
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Quand il eut d vor pain dur et figues s ches | A |
Le Corbeau secoua comme un faisceau de fl ches | A |
Les plumes de son dos maigre et fermant les yeux | A |
Parut mettre en oubli le Moine soucieux | A |
Celui ci bras crois s sous sa robe grossi re | C |
Regardait fixement la b te carnassi re | C |
Et murmurait J sus D pistez Seigneur | C |
Les emb ches du Diable autour de mon honneur | C |
Saints Anges Tout ceci n'est point chose ordinaire | C |
Que me veut cet oiseau mille fois centenaire | C |
Nul vivant n'a re u d'h te plus singulier | C |
Abritez moi seigneur sous votre bouclier | C |
Or tandis que l'Abb m ditait de la sorte | B |
Le Corbeau tout coup lui dit d'une voix forte | B |
Je ne dors point ainsi que vous l'avez pens | A |
V n rable Rabbi je r vais du pass | A |
Me demandant de quoi les mes taient faites | A |
J'ai connu dans leur temps tous les anciens proph tes | A |
Qui certes l'ignoraient Parle sans blasph mer | C |
Dit le Moine ou l'Enfer puisse te consumer | C |
Que t'importe chair vile inerte pourriture | C |
Qui rentreras bient t dans l'aveugle nature | C |
Avec l'argile et l'eau de la pluie et le vent | B |
Vaine ombre indiff rente aux yeux du Dieu vivant | B |
toi qui n'es que fange avant d' tre poussi re | C |
Le royaume o les Saints si gent dans la lumi re | C |
Le lion le corbeau l'aigle l' ne et le chien | H |
Qu'est ce que tout cela dans la mort sinon rien | H |
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Seigneur dit le Corbeau vous parlez comme un homme | G |
S r de se r veiller apr s le dernier somme | G |
Mais j'ai vu force Rois et des peuples entiers | A |
Qui n'allaient point de vie tr pas volontiers | A |
vrai dire ils semblaient peu certains cette heure | C |
De sortir promptement de leur noire demeure | C |
En outre sachez le j'en ai mang beaucoup | I |
Et leur me avec eux Ma tre du m me coup | I |
Vil pa en dit l'Abb quand la chair insensible | D |
Est morte l' me au ciel ouvre une aile invisible | D |
De sa gr ce aussi bien Dieu ne t'a point pourvu | J |
Pour voir ce que les Saints et les Anges ont vu | J |
Les esprits dans l'azur comme autant de colombes | A |
Au soleil ternel tournoyant hors des tombes | A |
Et c'est la v rit Pour moi dit le Corbeau | K |
J'en doute fort n'ayant point re u ce flambeau | G |
Ainsi soit il pourtant si la chose est notoire | C |
Mais vous pla t il d'ouvrir l'oreille mon histoire | C |
Seigneur et de m'entendre en ma confession | H |
J'ai ce soir grand besoin d'une absolution | H |
J' coute dit le Moine Heureux qui s'humilie | D |
Car le vrai repentir nous lave et nous d lie | D |
Et r jouit le coeur des Anges dans les cieux | A |
Je le prends de tr s haut mon Ma tre tant tr s vieux | A |
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En ce temps l seigneur Abb l'Eau solitaire | C |
Avait noy la race humaine avec la terre | C |
Et par del le fa te escalad des monts | A |
Haussait jusques au ciel sa bave et ses limons | A |
Ce fut le dernier jour des rois et des empires | A |
Antiques S'ils taient meilleurs s'ils taient pires | A |
Que ceux ci je ne sais Leurs vertus ou leurs torts | A |
Importent peu d'ailleurs du moment qu'ils sont morts | A |
Ils taient fort pervers dit le Moine et leur Juge | L |
Les noya justement dans les eaux du D luge | L |
C' tait un monde impie o gr ce au Suborneur | C |
La femme s duisit les Anges du Seigneur | C |
J'y consens dit l'Oiseau ce n'est point mon affaire | C |
Et celui qui le fit n'avait qu' le mieux faire | C |
Toujours est il qu'il s'en tait d barrass | A |
Le monde ancien Seigneur tant donc tr pass | A |
L'arche immense flottait depuis quarante aurores | A |
Et l'oc an sans fin heurtant ses flancs sonores | A |
Dans la brume des cieux y ber ait lourdement | B |
Tout ce qui survivait l'engloutissement | B |
Et j' tais l parmi les esp ces sans nombre | C |
Et j'attendais mon heure immobile dans l'ombre | C |
Un jour ayant tari leur vaste r servoir | C |
Les torrents puis s cess rent de pleuvoir | C |
Le soleil resplendit l'orient de l'arche | M |
L'ab me d crut Va me dit le Patriarche | M |
Et si quelque montagne merge au loin des mers | A |
Apprends nous qu'Iahv h pardonne l'univers | A |
Je pris mon vol joyeux de fuir tire d'ailes | A |
Et j'allais effleurant les eaux universelles | A |
Et depuis je ne sais n' tant point revenu | H |
Ce que le noir vaisseau de l'homme est devenu | H |
Ce fut l dit le Moine une action mauvaise | A |
Seigneur dit le Corbeau c'est que ne vous d plaise | A |
Aimant voyager dans ma jeune saison | H |
Je respirais bien mieux au grand air qu'en prison | H |
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Je vis bient t Rabbi poindre des cimes vertes | A |
Qui fumaient au soleil d'algue paisse couvertes | A |
Et je m'y vins percher sur un grand c dre noir | C |
D'o je pouvais planer dans l'espace et mieux voir | C |
Et j'attendis trois jours avec trois nuits enti res | A |
Et le soleil encore pandit ses lumi res | A |
Et je vis que la mer reprenant son niveau | J |
Avait laiss rena tre un univers nouveau | J |
Mais vide tout souill des cumes marines | A |
Et comme h riss d'effroyables ruines | A |
Au bas de la montagne o j' tais arr t | B |
Dormait dans la vapeur une norme cit | B |
Aux murs de terre rouge tag s en terrasses | A |
Et b tis par le bras puissant des vieilles races | A |
croul s sous le faix des flots d mesur s | A |
Ces murs avaient heurt ces palais effondr s | A |
O les varechs visqueux emplis de coquillages | A |
Pendant le long des toits comme de noirs feuillages | A |
Au travers des plafonds tombaient par blocs confus | A |
Enlac s en spirale paisse autour des f ts | A |
Et faisant des manteaux de limons et de fanges | A |
Aux cadavres g ants des Rois enfants des Anges | A |
Et j'en vis deux seigneur abb debout encor | C |
Sur un tr ne et li s avec des cha nes d'or | C |
Un homme au front superbe la haute stature | C |
Qui de ses bras nerveux comme d'une ceinture | C |
Pressait contre son sein une femme aux grands yeux | A |
Qui semblait contempler son amant glorieux | A |
Et je lus sur sa bouche entr'ouverte et glac e | B |
Le bonheur de mourir par ces bras enlac e | B |
Lui le cou ferme et droit dompt mais non vaincu | N |
Et sans peur dans la mort comme il avait v cu | N |
Avait tout pr serv de ce commun naufrage | L |
Sa beaut son orgueil sa force et son courage | L |
Autour de la cit muette un lac gisait | B |
O le soleil sinistre avec horreur luisait | B |
Gouffre de vase plein de colossales b tes | A |
Inertes et montrant leurs ventres ou leurs t tes | A |
Ours normes l zards immenses l phants | A |
demi submerg s par ces flots touffants | A |
Grands aigles fatigu s de planer dans les nues | A |
Et de ne plus trouver les montagnes connues | A |
Taureaux ouvrant encor leurs convulsifs naseaux | A |
L viathans surpris par la fuite des eaux | A |
Tous les vieux habitants de la terre f conde | B |
Avec l'homme gonflaient au loin la boue immonde | B |
Et de chaudes vapeurs s' pandaient dans les vents | A |
Or sachant que les morts sont p ture aux vivants | A |
Je v cus l seigneur Abb beaucoup d'ann es | A |
Tr s joyeux b nissant les bonnes destin es | A |
Et l'abondant travail de la mer car enfin | H |
Homme ou corbeau manger est doux quand on a faim | G |
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Depuis bien des soleils dans cette solitude | B |
Je coulais des jours pleins de molle qui tude | B |
Quand un soir du sommet de l'arbre accoutum | G |
Je vis vers l'Orient brusquement enflamm | G |
Au sein d'un tourbillon de splendeurs inconnues | A |
Un fant me puissant qui venait par les nues | A |
Ses ailes battaient l'air immense autour de lui | D |
Ses cheveux flamboyaient dans le ciel bloui | D |
Et les bras tendus d'une haleine profonde | B |
Il chassait les vapeurs qui pesaient sur le monde | B |
Aux limpides clart s de ses regards d'azur | C |
L'eau vive tincelait dans le marais impur | C |
Ombrag de roseaux rougi de fleurs soudaines | A |
Les monts br laient b chers des d pouilles humaines | A |
Et jaillissant des rocs o leur germe tait clos | A |
Les fleuves nourriciers multipliaient leurs flots | A |
panchant leur fra cheur aux arides vall es | A |
Toutes chaudes encor des cumes sal es | A |
Et l'espace tourna dans mes yeux saint Abb | K |
Et comme un mort au pied du c dre je tombai | G |
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Qui sait combien dura ce long sommeil sans tr ve | B |
Mais qu'est ce que le temps sinon l'ombre d'un r ve | B |
Quand je me r veillai quelques si cles apr s | A |
Ce fut sous l'ombre noire et sans fin des for ts | A |
Tout avait disparu la ville aux blocs superbes | A |
S' tait diss min e en poudre sous les herbes | A |
Et comme je planais sur les feuillages verts | A |
Je vis que l'homme avait reconquis l'univers | A |
J'entendis des clameurs f roces et sauvages | A |
De tous les horizons rouler par les nuages | A |
Et du nord au midi de l'est l'occident | B |
Ivres de leur fureur oeil pour oeil dent pour dent | B |
Avec l' pre sanglot des treintes mortelles | A |
Jours et nuits se heurtaient les nations nouvelles | A |
Les traits sifflaient au loin les masses aux nuds durs | A |
Brisaient les fronts guerriers ainsi que des fruits m rs | A |
Les femmes les vieillards sanglants dans la poussi re | C |
Et les petits enfants cras s sur la pierre | C |
Attestaient que les flots du D luge r cent | B |
Avaient purifi le monde renaissant | B |
Ah Ah Les bl mes chairs des races gorg es | A |
De corbeaux de vautours et d'aigles assi g es | A |
Exhalaient leurs parfums dans le ciel radieux | A |
Comme un grand holocauste offert aux nouveaux Dieux | A |
Ne t'en r jouis pas rebut de la g henne | H |
Dit le Moine Aveugl par l'envie et la haine | H |
Tu n'as pu voir maudit dans l'univers ancien | H |
Que les oeuvres du mal et non celles du bien | H |
Et tu ne regardais b te inexorable | D |
La pauvre humanit que par les yeux du Diable | D |
H las Je crois Seigneur en y r fl chissant | B |
Que l'homme a toujours eu soif de son propre sang | N |
Comme moi le d sir de sa chair vive ou morte | B |
C'est un go t naturel qui tous deux nous emporte | B |
Vers l'accomplissement de notre double voeu | B |
Le diable n'y peut rien Ma tre non plus que Dieu | B |
Et j'estime aussi peu sans haine et sans envie | B |
Les choses de la mort que celles de la vie | B |
Dans sa sinc rit voil mon sentiment | B |
Et si j'ai ri c' tait Seigneur innocemment | B |
Roi des Anges seigneur J sus mon divin Ma tre | C |
Dit le Moine liez la langue de ce tra tre | C |
Aussi bien il blasph me et raille sans merci | A |
Pieux Abb ne vous irritez point ainsi | A |
Songez que n' tant rien qu'un peu de chair sans me | B |
Je ne puis m riter ni louange ni bl me | B |
Et que si je me tais vous conduirez demain | H |
Cent mille moines casque en t te et pique en main | H |
Ce seront de fort beaux guerriers dans la bataille | D |
Qui verseront un sang b nit chaque entaille | D |
Et morts s'envoleront sans tarder droit au ciel | D |
Car selon vous Rabbi c'est l l'essentiel | D |
Va Dit S rapion Dieu sans doute commande | B |
Pour expier mes lourds p ch s que je t'entende | B |
Parle donc et poursuis sans plus argumenter | C |
Car le temps du salut se perd t' couter | C |
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Ma tre les jours passaient et j'avan ais en ge | L |
Ivre du sang vers sur les champs de carnage | L |
Toujours robuste et fort comme au si cle lointain | H |
O sur les sombres eaux resplendit le matin | H |
Et les hommes croissaient vivaient mouraient semblables | A |
des r ves amas de choses p rissables | A |
Que le vent ternel des impassibles cieux | A |
Balayait dans l'oubli morne et silencieux | A |
Et les for ts germaient et rentraient dans la boue | K |
Leurs troncs cartel s o la foudre se joue | L |
Ne laissant que le sable aride et le rocher | C |
O je vis la ros e et l'ombre s' pancher | C |
Les cit s de porphyre et de ciment b ties | A |
S' croulaient sous mes yeux pour jamais englouties | A |
Les temp tes vannaient leur poussi re et la nuit | B |
Du n ant touffait le vain nom qui les suit | B |
Avec le souvenir de leurs langues antiques | A |
Et le sens disparu des pages granitiques | A |
Enfin seigneur Abb germe myst rieux | A |
De si cle en si cle clos j'ai vu na tre des Dieux | A |
Et j'en ai vu mourir Les mers les monts les plaines | A |
En versaient par milliers aux visions humaines | A |
Ils se multipliaient dans la flamme et dans l'air | C |
Les uns arm s du glaive et d'autres de l' clair | C |
Jeunes et vieux cruels indulgents beaux horribles | A |
Faits de marbre ou d'ivoire et tant t invisibles | A |
Ador s et ha s et s rs d' tre immortels | A |
Et voici que le temps branlait leurs autels | A |
Que la haine grondait au milieu de leurs f tes | A |
Que le monde en r volte gorgeait leurs proph tes | A |
Que le rire insulteur plus amer que la mort | B |
Vers l'ab me commun pr cipitait leur sort | B |
Et qu'ils tombaient honnis survivant leur gloire | C |
Dieux d chus dans la fosse irr vocable et noire | C |
Et d'autres renaissaient de leur cendre et toujours | A |
Hommes et Dieux roulaient dans le torrent des jours | A |
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Moi je vivais voyant ce tourbillon d'images | A |
Se dissiper au vent de mes ailes sauvages | A |
Calme heureux sans regrets et ne reconnaissant | B |
Ces spectres qu'a l'odeur de la chair et du sang | N |
Je vivais Tout mourait par les cieux et les mondes | A |
Je vivais promenant mes courses vagabondes | A |
Des cimes du Caucase aux c dres du Carmel | D |
De l'univers mobile habitant ternel | D |
Et du banquet immense immuable convive | B |
Me disant si tout meurt c'est afin que je vive | B |
Et je vivais Ah ah Seigneur S rapion | H |
En ces beaux si cles sauf votre permission | H |
Si pleins d' croulements et de clameurs de guerre | C |
Dans ma f licit je ne pr voyais gu re | C |
Qu'il viendrait un jour sombre o le mauvais destin | H |
Me frapperait au seuil de mon meilleur festin | H |
Et que je tra nerais plus de trois cents ann es | A |
Au sentier de la faim mes ailes d charn es | A |
Maudit soit ce jour l parmi les jours pass s | A |
Et futurs o m'ont pris ces d sirs insens s | A |
Maudit soit il de l'aube au soir dans sa lumi re | C |
Et son ombre dans sa chaleur et sa poussi re | C |
Et dans tous les vivants qui virent son veil | D |
Et le lugubre clat de son morne soleil | D |
Et sa fin Oui maudit soit il et qu'il n'en reste | B |
Qu'un souvenir plus sombre encore et plus funeste | B |
Qui soit ainsi que lui septante fois maudit | B |
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Le Corbeau h rissant ses plumes ayant dit | B |
Cet anath me avec beaucoup de violence | A |
Garda quelques instants un sinistre silence | A |
Comme accabl d'un lourd d sespoir et d'effroi | C |
Donc le bras du Tr s Haut s'est abattu sur toi | B |
Dit le Moine et vengeant d'innombrables victimes | A |
Corbeau hideux il t'a flagell de tes crimes | A |
Rabbi dit le Corbeau n'est il point d' quit | B |
De ne punir jamais qu'un dessein m dit | B |
L'intention mauvaise et non le fait unique | N |
Certes mon ch timent fut une chose inique | N |
Car je ne savais point Ma tre et j'ob issais | A |
ma nature sans col re et sans exc s | A |
Qu'as tu fait dit le Moine Ach ve la nuit passe | A |
Et les astres d j s'inclinent dans l'espace | A |
Seigneur dit l'Oiseau noir agit de terreur | C |
Ceci m'advint du temps de Tib re empereur | C |
Un jour que je cherchais ma proie accoutum e | B |
En planant au dessus des villes d'Idum e | B |
Un grand vent m'emporta C' tait un vendredi | B |
Autant qu'il m'en souvienne et dans l'apr s midi | B |
Et je vis trois gibets sur la colline haute | B |
Et trois supplici s qui pendaient c te c te | B |
Mis ricorde dit le Moine tout en pleurs | A |
C' tait le roi J sus entre les deux voleurs | A |
Cette colline dit l'Oiseau tr s pre et nue | H |
Silencieusement se dressait dans la nue | H |
Un nuage rougi par le soleil couchant | B |
Immobile dans l'air poudreux et dess chant | B |
Pesait de tout son poids sur ce morne ossuaire | C |
Comme sur un s pulcre un granit mortuaire | C |
Et la hauteur tait d serte autour des croix | A |
O deux des condamn s hurlaient pleines voix | A |
Par un r le plus sourd souvent interrompues | A |
Et se tordaient ayant les deux cuisses rompues | A |
Mais le troisi me Ma tre une ouverture au flanc | N |
Attach par trois clous son gibet sanglant | B |
Ceint de ronces meurtri par les coups de lani res | A |
Reposait au sortir des angoisses derni res | A |
Allongeant ses bras morts et ployant les genoux | A |
Il tait jeune et beau sa t te aux cheveux roux | A |
Dormait paisiblement sur l' paule inclin e | B |
Et d'un myst rieux sourire illumin e | B |
Sans regrets sans orgueil sans trouble et sans effort | B |
Semblait se r jouir dans l'opprobre et la mort | B |
Certes de quelque nom que la terre le nomme | B |
Celui l n' tait point uniquement un homme | B |
Car de sa chevelure et de toute sa chair | C |
Rayonnait un feu doux diss min dans l'air | C |
Et qui baignait parfois des lueurs de l'opale | D |
Ce cadavre si beau si muet et si p le | D |
Et je le contemplais n'ayant rien vu de tel | D |
Parmi les Rois au tr ne et les Dieux sur l'autel | D |
J sus Dit l'abb levant ses mains unies | A |
source et r servoir des gr ces infinies | A |
Verbe de Dieu vrai Dieu vrai Soleil du vrai ciel | D |
Vrai r dempteur qui bus l'hysope avec le fiel | D |
Et qui voulus du sang de tes ch res blessures | A |
De l'antique p ch laver les fl trissures | A |
Christ c' tait toi Christ C' tait ton corps sacr | C |
Pain des Anges par qui tout sera r par | C |
Ton corps seigneur substance et nourriture vraies | A |
Avec l'intarissable eau vive de tes plaies | A |
C' tait ta chair roi J sus Qui pendait l | D |
Sur ce bois devant qui l'univers chancela | D |
Sur cet arbre que Dieu de sa ros e inonde | B |
Et dont le fruit vivant est le salut du monde | B |
Mon Seigneur Par ce prix que nous t'avons co t | B |
Gloire au plus haut des cieux et dans l' ternit | B |
Des temps o pour jamais ta gr ce nous convie | B |
Gloire toi Christ J sus force lumi re et vie | B |
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Amen dit le Corbeau Rabbi vous parlez bien | H |
Mais de ceci pour mon malheur ne sachant rien | H |
Je pris tr s follement mon vol pour satisfaire | C |
Ma faim comme j'avais coutume de le faire | C |
Maudit cria l'Abb les cheveux h riss s | A |
D' pouvante d'horreur et de col re assez | A |
Saints Anges as tu donc b te sacril ge | L |
Os toucher la chair trois fois sainte Puiss je | L |
Expier par mes pleurs et par mon sang ce fait | B |
D'avoir ou parler J sus d'un tel forfait | B |
Ce vil mangeur des morts sur la croix ternelle | D |
Poser sa griffe immonde et refermer son aile | D |
profanation horrible Seigneur Dieu | B |
L'inextinguible Enfer a t il assez de feu | B |
Pour br ler ce corbeau monstrueux et vorace | A |
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Ma tre dit l'Oiseau noir apaisez vous de gr ce | A |
Et daignez m' couter s'il vous pla t jusqu'au bout | B |
Je volai vers la croix mais h las ce fut tout | B |
Un spectre blouissant pareil ce grand Ange | L |
Qui du monde jadis purifiait la fange | L |
Et dont l' clat me fit tomber inanim | B |
Abrita le Dieu mort de son bras enflamm | B |
Et comme je gisais sur la pierre br lante | B |
Je l'entendis parler d'une voix grave et lente | B |
Et cette voix toujours m'enveloppe Rabbi | B |
Puisque l'Agneau divin d sormais a subi | B |
Plus amers que le fiel et la mort elle m me | B |
Et l'ineffable outrage et l'opprobre supr me | B |
D'exciter ton d sir en horreur au tombeau | B |
Puisque tout est fini par ton oeuvre Corbeau | B |
Tu ne mangeras plus b te inassouvie | B |
Qu'apr s trois cent soixante et dix sept ans de vie | B |
Et son souffle me prit comme un grand tourbillon | H |
Fait d'une feuille morte au revers du sillon | H |
Et me jeta le corps sanglant l'aile meurtrie | C |
Du morne Golgotha par del Samarie | C |
Cet Ange dit le Moine tait assur ment | B |
En ceci beaucoup moins s v re que cl ment | B |
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C'est un supplice trange et sans nom que de vivre | C |
De ce qui fait mourir quand la faim vous enivre | C |
Et vous mord furieuse au ventre que de voir | C |
Quelque festin royal o l'on ne peut s'asseoir | C |
Et d'errer sans repos entre mille p tures | A |
Pour y multiplier sans tr ve ses tortures | A |
Depuis ce jour fatal mon Ma tre j'ai je n | H |
J'ai vainement mordu de mon bec acharn | H |
L'homme sur la poussi re et le fruit m r sur l'arbre | C |
L'un devenait de roc et l'autre tait de marbre | C |
Et toujours consum d'angoisse et de d sir | C |
Convoitant une proie impossible saisir | C |
Portant de ciel en ciel ma faim inexorable | D |
J'ai v cu maigre vieux haletant mis rable | D |
Ce fut l mon supplice et certe imm rit | B |
Le ch timent fut bon dit le Moine irrit | B |
Repens toi sans nier ton infaillible Juge | L |
Quoi N'as tu point depuis l'universel D luge | L |
Dans ta faim effroyable tant d'hommes gisants | A |
Assez mang Corbeau pour je ner trois cents ans | A |
On ne se d fait point d'une vieille habitude | B |
Sans que l' preuve dit le corbeau ne soit rude | B |
Et si vous ne mangiez de sept jours seulement | B |
Vous verriez ce que vaut votre raisonnement | B |
Eussiez vous subissant vos br ves destin es | A |
D vor le festin de mes trois mille ann es | A |
Or voici gr ce vous seigneur S rapion | H |
Que j'ai fini le temps de l'expiation | H |
Votre pain tait dur vos figues taient s ches | A |
Mais hier le Danube tait plein de chairs fra ches | A |
Et portait la mer en un lit de roseaux | A |
Les romains gorg s qui rougissaient les eaux | A |
Vivez Rabbi dans la pri re et le silence | A |
Un roi goth a clou l' dit d'un coup de lance | A |
Droit au coeur de Valens et C sar est fait Dieu | B |
Absolvez moi Seigneur que je vous dise adieu | B |
J'ai h te de revoir le vieux fleuve et ses h tes | A |
Vous m'avez cout vous connaissez mes fautes | A |
Absolvez moi mon Ma tre afin que sans retard | B |
De ce festin guerrier je r clame ma part | B |
Et m'abreuve du sang des braves et renaisse | A |
Aussi robuste et fier qu'aux jours de ma jeunesse | A |
Seigneur Dieu qui r gnez dans les hauteurs du ciel | D |
Donnez lui dit l'Abb le repos ternel | D |
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Le Corbeau battit l'air de ses ailes tiques | A |
Et tomba mort le long des dalles monastiques | A |
Charles Marie Rene Leconte De Lisle
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