Le Corbeau Poem Rhyme Scheme and Analysis

Rhyme Scheme: AABBCCAAAABB AADDAAAAAACCAABBBBBB DDAACCEF CCAAGGGGAAGGBBHHAA HFAAAACCDDAABB AACCAABBDDHH AAAACCCCCCCCBBAAAACC CCBBCCHH GGAACCIIDDJJAAKGCCHH DDAA CCAAAAAALLCCCCAAAABB CCCCMMAAAAHHAAHH AACCAAJJAABBAAAAAAAA AACCCCAABBNNLLBBAAAA AAAABBAAAAHG BBGGAADDBBCCAAAAAAKG BBAAAAAAAABBAAAACCBB AAAAHHHHDDBNBBBBBBBB CCAABBHHDDDDBBCC LLHHAAAAKLCCAABBAAAA AACCAAAAAABBCCAA AABNAADDBBHHCCHHAAAA CCDDBBB BAACBAABBNNAAAACCBBB BBBAAHHBBCCAAAANBAAA ABBBBBBCCDDDDAADDAAC CAADDBBBBBB HHCCAALLBBDDBBA ABBLLBBBBBBBBBBBBHHC CBB CCCCAAHHCCCCDDBBLLAA BBBBAAHHAAAAAABBAABB AADD AA

S rapion abb des onze monast resA
D'Arsino soumis aux trois r gles aust resA
Sous Valens empereur des pays d'OrientB
Un soir se promenait m ditant et priantB
Silencieux le long des bas arceaux du clo treC
Le soleil disparu laissait les ombres cro treC
Du sein des oasis et des sables d sertsA
Les astres s' veillaient dans le bleu noir des airsA
Et si n' tait parfois du fond des solitudesA
Quelques rugissements de lion brefs et rudesA
Autour du monast re en un repos completB
Et dans le ciel la nuit vaste se d roulaitB
-
L'abb S rapion d'un pas lent sur les dallesA
Marchait faisant sonner le cuir de ses sandalesA
Anxieux de l' dit imp rial lequelD
tait une pouvante aux serviteurs du cielD
Ordonnant d'enr ler par l gions subitesA
Pour la guerre des Goths cent mille c nobitesA
Car en ce temps l ceux qui dans le monde parsA
Cherchaient l'oubli du si cle en Dieu de toutes partsA
En haute et basse gypte abondaient vieux et jeunesA
Afin d' tre sauv s par pri res et je nesA
Et c'est pourquoi l' dit sign de l'EmpereurC
Emplissait les couvents de trouble et de terreurC
Et toute chair saignait sous de plus lourds cilicesA
Pour d sarmer J sus touch par ces supplicesA
Or l'Abb m ditait sur cela d'un espritB
Plein d'angoisse et priait pour son troupeau proscritB
Levant les bras au ciel et disant Dieu m'assisteB
Mais comme il s'en allait le front bas l' me tristeB
Dans l'ombre des arceaux voici qu'il entenditB
Brusquement une voix tr s rauque qui lui ditB
V n rable seigneur soyez moi pitoyableD
Et l'Abb se signa croyant ou r le DiableD
Et ne vit rien le clo tre tant sombre d'ailleursA
La voix sinistre dit J'ai vu des temps meilleursA
J'ai fait de beaux festins Et par une loi dureC
Aujourd'hui c'est la faim sans tr ve que j'endureC
Or mon pieux seigneur n'en soyez tonnE
J' tais d j tr s vieux quand Abraham est nF
-
Au nom du roi J sus d mon ou cr atureC
Qui m'implores avec cette trange impostureC
Qui que tu sois enfin qui me parles ainsiA
Viens Dit l'Abb Seigneur dit l'autre me voiciA
Et sur la balustrade aussit t une formeG
Devant S rapion se laissa choir normeG
Un oiseau gauche et lourd l'aile ouverte demiG
Mais dont les yeux flambaient sous le clo tre endormiG
L'Abb vit que c' tait un corbeau d'une esp ceA
G ante L' ge avait tordu la corne paisseA
Du bec et par endroits le corps tout d plumG
D'une affreuse maigreur paraissait consumG
Certes la foi du Moine tait vive et robusteB
Il savait que la gr ce est le rempart du justeB
Mais n'ayant jamais eu de telle visionH
Il se sentit fr mir en cette occasionH
Et les yeux de la B te clairaient les t n bresA
Tandis qu'elle agitait ses deux ailes fun bresA
-
S rapion lui dit Si ton nom est SatanH
D mon chien r prouv je te maudis Va t'enF
Par la vertu de Christ le r dempteur des mesA
Je te chasse retombe aux ternelles flammesA
Et ce disant il fit un grand signe de croixA
Je ne suis point celui saint Abb que tu croisA
Dit l'oiseau noir riant d'un sombre et mauvais rireC
Ne d pense donc point le temps me maudireC
Je suis n corbeau Ma tre et tel que me voilD
Mais il y a beaucoup de si cles de celaD
La famine me ronge et je veux de ta gr ceA
Quelque peu de chair maigre d faut de chair grasseA
Seigneur Moine en retour je te dirai commentB
J'apporte un s r rem de ton secret tourmentB
-
Nous ne touchons jamais selon nos saintes r glesA
Aux p tures des loups des corbeaux et des aiglesA
Dit l'Abb Va r der si tu veux de la chairC
Sur les champs de bataille o moissonne l'EnferC
Ici pour r parer ta faim et tes fatiguesA
Tu n'aurais qu'un morceau de pain noir et des figuesA
Soit Dit le vieil Oiseau je ne suis point friandB
Et toute nourriture est bonne au mendiantB
Qu'un dur je ne depuis trois si cles ronge et br leD
Suis moi donc dit l'Abb jusques en ma celluleD
Et l'autre tout joyeux de l'invitationH
Par les noirs corridors suivit S rapionH
-
-
-
Quand il eut d vor pain dur et figues s chesA
Le Corbeau secoua comme un faisceau de fl chesA
Les plumes de son dos maigre et fermant les yeuxA
Parut mettre en oubli le Moine soucieuxA
Celui ci bras crois s sous sa robe grossi reC
Regardait fixement la b te carnassi reC
Et murmurait J sus D pistez SeigneurC
Les emb ches du Diable autour de mon honneurC
Saints Anges Tout ceci n'est point chose ordinaireC
Que me veut cet oiseau mille fois centenaireC
Nul vivant n'a re u d'h te plus singulierC
Abritez moi seigneur sous votre bouclierC
Or tandis que l'Abb m ditait de la sorteB
Le Corbeau tout coup lui dit d'une voix forteB
Je ne dors point ainsi que vous l'avez pensA
V n rable Rabbi je r vais du passA
Me demandant de quoi les mes taient faitesA
J'ai connu dans leur temps tous les anciens proph tesA
Qui certes l'ignoraient Parle sans blasph merC
Dit le Moine ou l'Enfer puisse te consumerC
Que t'importe chair vile inerte pourritureC
Qui rentreras bient t dans l'aveugle natureC
Avec l'argile et l'eau de la pluie et le ventB
Vaine ombre indiff rente aux yeux du Dieu vivantB
toi qui n'es que fange avant d' tre poussi reC
Le royaume o les Saints si gent dans la lumi reC
Le lion le corbeau l'aigle l' ne et le chienH
Qu'est ce que tout cela dans la mort sinon rienH
-
Seigneur dit le Corbeau vous parlez comme un hommeG
S r de se r veiller apr s le dernier sommeG
Mais j'ai vu force Rois et des peuples entiersA
Qui n'allaient point de vie tr pas volontiersA
vrai dire ils semblaient peu certains cette heureC
De sortir promptement de leur noire demeureC
En outre sachez le j'en ai mang beaucoupI
Et leur me avec eux Ma tre du m me coupI
Vil pa en dit l'Abb quand la chair insensibleD
Est morte l' me au ciel ouvre une aile invisibleD
De sa gr ce aussi bien Dieu ne t'a point pourvuJ
Pour voir ce que les Saints et les Anges ont vuJ
Les esprits dans l'azur comme autant de colombesA
Au soleil ternel tournoyant hors des tombesA
Et c'est la v rit Pour moi dit le CorbeauK
J'en doute fort n'ayant point re u ce flambeauG
Ainsi soit il pourtant si la chose est notoireC
Mais vous pla t il d'ouvrir l'oreille mon histoireC
Seigneur et de m'entendre en ma confessionH
J'ai ce soir grand besoin d'une absolutionH
J' coute dit le Moine Heureux qui s'humilieD
Car le vrai repentir nous lave et nous d lieD
Et r jouit le coeur des Anges dans les cieuxA
Je le prends de tr s haut mon Ma tre tant tr s vieuxA
-
-
-
En ce temps l seigneur Abb l'Eau solitaireC
Avait noy la race humaine avec la terreC
Et par del le fa te escalad des montsA
Haussait jusques au ciel sa bave et ses limonsA
Ce fut le dernier jour des rois et des empiresA
Antiques S'ils taient meilleurs s'ils taient piresA
Que ceux ci je ne sais Leurs vertus ou leurs tortsA
Importent peu d'ailleurs du moment qu'ils sont mortsA
Ils taient fort pervers dit le Moine et leur JugeL
Les noya justement dans les eaux du D lugeL
C' tait un monde impie o gr ce au SuborneurC
La femme s duisit les Anges du SeigneurC
J'y consens dit l'Oiseau ce n'est point mon affaireC
Et celui qui le fit n'avait qu' le mieux faireC
Toujours est il qu'il s'en tait d barrassA
Le monde ancien Seigneur tant donc tr passA
L'arche immense flottait depuis quarante auroresA
Et l'oc an sans fin heurtant ses flancs sonoresA
Dans la brume des cieux y ber ait lourdementB
Tout ce qui survivait l'engloutissementB
Et j' tais l parmi les esp ces sans nombreC
Et j'attendais mon heure immobile dans l'ombreC
Un jour ayant tari leur vaste r servoirC
Les torrents puis s cess rent de pleuvoirC
Le soleil resplendit l'orient de l'archeM
L'ab me d crut Va me dit le PatriarcheM
Et si quelque montagne merge au loin des mersA
Apprends nous qu'Iahv h pardonne l'universA
Je pris mon vol joyeux de fuir tire d'ailesA
Et j'allais effleurant les eaux universellesA
Et depuis je ne sais n' tant point revenuH
Ce que le noir vaisseau de l'homme est devenuH
Ce fut l dit le Moine une action mauvaiseA
Seigneur dit le Corbeau c'est que ne vous d plaiseA
Aimant voyager dans ma jeune saisonH
Je respirais bien mieux au grand air qu'en prisonH
-
Je vis bient t Rabbi poindre des cimes vertesA
Qui fumaient au soleil d'algue paisse couvertesA
Et je m'y vins percher sur un grand c dre noirC
D'o je pouvais planer dans l'espace et mieux voirC
Et j'attendis trois jours avec trois nuits enti resA
Et le soleil encore pandit ses lumi resA
Et je vis que la mer reprenant son niveauJ
Avait laiss rena tre un univers nouveauJ
Mais vide tout souill des cumes marinesA
Et comme h riss d'effroyables ruinesA
Au bas de la montagne o j' tais arr tB
Dormait dans la vapeur une norme citB
Aux murs de terre rouge tag s en terrassesA
Et b tis par le bras puissant des vieilles racesA
croul s sous le faix des flots d mesur sA
Ces murs avaient heurt ces palais effondr sA
O les varechs visqueux emplis de coquillagesA
Pendant le long des toits comme de noirs feuillagesA
Au travers des plafonds tombaient par blocs confusA
Enlac s en spirale paisse autour des f tsA
Et faisant des manteaux de limons et de fangesA
Aux cadavres g ants des Rois enfants des AngesA
Et j'en vis deux seigneur abb debout encorC
Sur un tr ne et li s avec des cha nes d'orC
Un homme au front superbe la haute statureC
Qui de ses bras nerveux comme d'une ceintureC
Pressait contre son sein une femme aux grands yeuxA
Qui semblait contempler son amant glorieuxA
Et je lus sur sa bouche entr'ouverte et glac eB
Le bonheur de mourir par ces bras enlac eB
Lui le cou ferme et droit dompt mais non vaincuN
Et sans peur dans la mort comme il avait v cuN
Avait tout pr serv de ce commun naufrageL
Sa beaut son orgueil sa force et son courageL
Autour de la cit muette un lac gisaitB
O le soleil sinistre avec horreur luisaitB
Gouffre de vase plein de colossales b tesA
Inertes et montrant leurs ventres ou leurs t tesA
Ours normes l zards immenses l phantsA
demi submerg s par ces flots touffantsA
Grands aigles fatigu s de planer dans les nuesA
Et de ne plus trouver les montagnes connuesA
Taureaux ouvrant encor leurs convulsifs naseauxA
L viathans surpris par la fuite des eauxA
Tous les vieux habitants de la terre f condeB
Avec l'homme gonflaient au loin la boue immondeB
Et de chaudes vapeurs s' pandaient dans les ventsA
Or sachant que les morts sont p ture aux vivantsA
Je v cus l seigneur Abb beaucoup d'ann esA
Tr s joyeux b nissant les bonnes destin esA
Et l'abondant travail de la mer car enfinH
Homme ou corbeau manger est doux quand on a faimG
-
-
-
Depuis bien des soleils dans cette solitudeB
Je coulais des jours pleins de molle qui tudeB
Quand un soir du sommet de l'arbre accoutumG
Je vis vers l'Orient brusquement enflammG
Au sein d'un tourbillon de splendeurs inconnuesA
Un fant me puissant qui venait par les nuesA
Ses ailes battaient l'air immense autour de luiD
Ses cheveux flamboyaient dans le ciel blouiD
Et les bras tendus d'une haleine profondeB
Il chassait les vapeurs qui pesaient sur le mondeB
Aux limpides clart s de ses regards d'azurC
L'eau vive tincelait dans le marais impurC
Ombrag de roseaux rougi de fleurs soudainesA
Les monts br laient b chers des d pouilles humainesA
Et jaillissant des rocs o leur germe tait closA
Les fleuves nourriciers multipliaient leurs flotsA
panchant leur fra cheur aux arides vall esA
Toutes chaudes encor des cumes sal esA
Et l'espace tourna dans mes yeux saint AbbK
Et comme un mort au pied du c dre je tombaiG
-
Qui sait combien dura ce long sommeil sans tr veB
Mais qu'est ce que le temps sinon l'ombre d'un r veB
Quand je me r veillai quelques si cles apr sA
Ce fut sous l'ombre noire et sans fin des for tsA
Tout avait disparu la ville aux blocs superbesA
S' tait diss min e en poudre sous les herbesA
Et comme je planais sur les feuillages vertsA
Je vis que l'homme avait reconquis l'universA
J'entendis des clameurs f roces et sauvagesA
De tous les horizons rouler par les nuagesA
Et du nord au midi de l'est l'occidentB
Ivres de leur fureur oeil pour oeil dent pour dentB
Avec l' pre sanglot des treintes mortellesA
Jours et nuits se heurtaient les nations nouvellesA
Les traits sifflaient au loin les masses aux nuds dursA
Brisaient les fronts guerriers ainsi que des fruits m rsA
Les femmes les vieillards sanglants dans la poussi reC
Et les petits enfants cras s sur la pierreC
Attestaient que les flots du D luge r centB
Avaient purifi le monde renaissantB
Ah Ah Les bl mes chairs des races gorg esA
De corbeaux de vautours et d'aigles assi g esA
Exhalaient leurs parfums dans le ciel radieuxA
Comme un grand holocauste offert aux nouveaux DieuxA
Ne t'en r jouis pas rebut de la g henneH
Dit le Moine Aveugl par l'envie et la haineH
Tu n'as pu voir maudit dans l'univers ancienH
Que les oeuvres du mal et non celles du bienH
Et tu ne regardais b te inexorableD
La pauvre humanit que par les yeux du DiableD
H las Je crois Seigneur en y r fl chissantB
Que l'homme a toujours eu soif de son propre sangN
Comme moi le d sir de sa chair vive ou morteB
C'est un go t naturel qui tous deux nous emporteB
Vers l'accomplissement de notre double voeuB
Le diable n'y peut rien Ma tre non plus que DieuB
Et j'estime aussi peu sans haine et sans envieB
Les choses de la mort que celles de la vieB
Dans sa sinc rit voil mon sentimentB
Et si j'ai ri c' tait Seigneur innocemmentB
Roi des Anges seigneur J sus mon divin Ma treC
Dit le Moine liez la langue de ce tra treC
Aussi bien il blasph me et raille sans merciA
Pieux Abb ne vous irritez point ainsiA
Songez que n' tant rien qu'un peu de chair sans meB
Je ne puis m riter ni louange ni bl meB
Et que si je me tais vous conduirez demainH
Cent mille moines casque en t te et pique en mainH
Ce seront de fort beaux guerriers dans la batailleD
Qui verseront un sang b nit chaque entailleD
Et morts s'envoleront sans tarder droit au cielD
Car selon vous Rabbi c'est l l'essentielD
Va Dit S rapion Dieu sans doute commandeB
Pour expier mes lourds p ch s que je t'entendeB
Parle donc et poursuis sans plus argumenterC
Car le temps du salut se perd t' couterC
-
-
-
Ma tre les jours passaient et j'avan ais en geL
Ivre du sang vers sur les champs de carnageL
Toujours robuste et fort comme au si cle lointainH
O sur les sombres eaux resplendit le matinH
Et les hommes croissaient vivaient mouraient semblablesA
des r ves amas de choses p rissablesA
Que le vent ternel des impassibles cieuxA
Balayait dans l'oubli morne et silencieuxA
Et les for ts germaient et rentraient dans la boueK
Leurs troncs cartel s o la foudre se joueL
Ne laissant que le sable aride et le rocherC
O je vis la ros e et l'ombre s' pancherC
Les cit s de porphyre et de ciment b tiesA
S' croulaient sous mes yeux pour jamais engloutiesA
Les temp tes vannaient leur poussi re et la nuitB
Du n ant touffait le vain nom qui les suitB
Avec le souvenir de leurs langues antiquesA
Et le sens disparu des pages granitiquesA
Enfin seigneur Abb germe myst rieuxA
De si cle en si cle clos j'ai vu na tre des DieuxA
Et j'en ai vu mourir Les mers les monts les plainesA
En versaient par milliers aux visions humainesA
Ils se multipliaient dans la flamme et dans l'airC
Les uns arm s du glaive et d'autres de l' clairC
Jeunes et vieux cruels indulgents beaux horriblesA
Faits de marbre ou d'ivoire et tant t invisiblesA
Ador s et ha s et s rs d' tre immortelsA
Et voici que le temps branlait leurs autelsA
Que la haine grondait au milieu de leurs f tesA
Que le monde en r volte gorgeait leurs proph tesA
Que le rire insulteur plus amer que la mortB
Vers l'ab me commun pr cipitait leur sortB
Et qu'ils tombaient honnis survivant leur gloireC
Dieux d chus dans la fosse irr vocable et noireC
Et d'autres renaissaient de leur cendre et toujoursA
Hommes et Dieux roulaient dans le torrent des joursA
-
Moi je vivais voyant ce tourbillon d'imagesA
Se dissiper au vent de mes ailes sauvagesA
Calme heureux sans regrets et ne reconnaissantB
Ces spectres qu'a l'odeur de la chair et du sangN
Je vivais Tout mourait par les cieux et les mondesA
Je vivais promenant mes courses vagabondesA
Des cimes du Caucase aux c dres du CarmelD
De l'univers mobile habitant ternelD
Et du banquet immense immuable conviveB
Me disant si tout meurt c'est afin que je viveB
Et je vivais Ah ah Seigneur S rapionH
En ces beaux si cles sauf votre permissionH
Si pleins d' croulements et de clameurs de guerreC
Dans ma f licit je ne pr voyais gu reC
Qu'il viendrait un jour sombre o le mauvais destinH
Me frapperait au seuil de mon meilleur festinH
Et que je tra nerais plus de trois cents ann esA
Au sentier de la faim mes ailes d charn esA
Maudit soit ce jour l parmi les jours pass sA
Et futurs o m'ont pris ces d sirs insens sA
Maudit soit il de l'aube au soir dans sa lumi reC
Et son ombre dans sa chaleur et sa poussi reC
Et dans tous les vivants qui virent son veilD
Et le lugubre clat de son morne soleilD
Et sa fin Oui maudit soit il et qu'il n'en resteB
Qu'un souvenir plus sombre encore et plus funesteB
Qui soit ainsi que lui septante fois mauditB
-
Le Corbeau h rissant ses plumes ayant ditB
Cet anath me avec beaucoup de violenceA
Garda quelques instants un sinistre silenceA
Comme accabl d'un lourd d sespoir et d'effroiC
Donc le bras du Tr s Haut s'est abattu sur toiB
Dit le Moine et vengeant d'innombrables victimesA
Corbeau hideux il t'a flagell de tes crimesA
Rabbi dit le Corbeau n'est il point d' quitB
De ne punir jamais qu'un dessein m ditB
L'intention mauvaise et non le fait uniqueN
Certes mon ch timent fut une chose iniqueN
Car je ne savais point Ma tre et j'ob issaisA
ma nature sans col re et sans exc sA
Qu'as tu fait dit le Moine Ach ve la nuit passeA
Et les astres d j s'inclinent dans l'espaceA
Seigneur dit l'Oiseau noir agit de terreurC
Ceci m'advint du temps de Tib re empereurC
Un jour que je cherchais ma proie accoutum eB
En planant au dessus des villes d'Idum eB
Un grand vent m'emporta C' tait un vendrediB
Autant qu'il m'en souvienne et dans l'apr s midiB
Et je vis trois gibets sur la colline hauteB
Et trois supplici s qui pendaient c te c teB
Mis ricorde dit le Moine tout en pleursA
C' tait le roi J sus entre les deux voleursA
Cette colline dit l'Oiseau tr s pre et nueH
Silencieusement se dressait dans la nueH
Un nuage rougi par le soleil couchantB
Immobile dans l'air poudreux et dess chantB
Pesait de tout son poids sur ce morne ossuaireC
Comme sur un s pulcre un granit mortuaireC
Et la hauteur tait d serte autour des croixA
O deux des condamn s hurlaient pleines voixA
Par un r le plus sourd souvent interrompuesA
Et se tordaient ayant les deux cuisses rompuesA
Mais le troisi me Ma tre une ouverture au flancN
Attach par trois clous son gibet sanglantB
Ceint de ronces meurtri par les coups de lani resA
Reposait au sortir des angoisses derni resA
Allongeant ses bras morts et ployant les genouxA
Il tait jeune et beau sa t te aux cheveux rouxA
Dormait paisiblement sur l' paule inclin eB
Et d'un myst rieux sourire illumin eB
Sans regrets sans orgueil sans trouble et sans effortB
Semblait se r jouir dans l'opprobre et la mortB
Certes de quelque nom que la terre le nommeB
Celui l n' tait point uniquement un hommeB
Car de sa chevelure et de toute sa chairC
Rayonnait un feu doux diss min dans l'airC
Et qui baignait parfois des lueurs de l'opaleD
Ce cadavre si beau si muet et si p leD
Et je le contemplais n'ayant rien vu de telD
Parmi les Rois au tr ne et les Dieux sur l'autelD
J sus Dit l'abb levant ses mains uniesA
source et r servoir des gr ces infiniesA
Verbe de Dieu vrai Dieu vrai Soleil du vrai cielD
Vrai r dempteur qui bus l'hysope avec le fielD
Et qui voulus du sang de tes ch res blessuresA
De l'antique p ch laver les fl trissuresA
Christ c' tait toi Christ C' tait ton corps sacrC
Pain des Anges par qui tout sera r parC
Ton corps seigneur substance et nourriture vraiesA
Avec l'intarissable eau vive de tes plaiesA
C' tait ta chair roi J sus Qui pendait lD
Sur ce bois devant qui l'univers chancelaD
Sur cet arbre que Dieu de sa ros e inondeB
Et dont le fruit vivant est le salut du mondeB
Mon Seigneur Par ce prix que nous t'avons co tB
Gloire au plus haut des cieux et dans l' ternitB
Des temps o pour jamais ta gr ce nous convieB
Gloire toi Christ J sus force lumi re et vieB
-
Amen dit le Corbeau Rabbi vous parlez bienH
Mais de ceci pour mon malheur ne sachant rienH
Je pris tr s follement mon vol pour satisfaireC
Ma faim comme j'avais coutume de le faireC
Maudit cria l'Abb les cheveux h riss sA
D' pouvante d'horreur et de col re assezA
Saints Anges as tu donc b te sacril geL
Os toucher la chair trois fois sainte Puiss jeL
Expier par mes pleurs et par mon sang ce faitB
D'avoir ou parler J sus d'un tel forfaitB
Ce vil mangeur des morts sur la croix ternelleD
Poser sa griffe immonde et refermer son aileD
profanation horrible Seigneur DieuB
L'inextinguible Enfer a t il assez de feuB
Pour br ler ce corbeau monstrueux et voraceA
-
Ma tre dit l'Oiseau noir apaisez vous de gr ceA
Et daignez m' couter s'il vous pla t jusqu'au boutB
Je volai vers la croix mais h las ce fut toutB
Un spectre blouissant pareil ce grand AngeL
Qui du monde jadis purifiait la fangeL
Et dont l' clat me fit tomber inanimB
Abrita le Dieu mort de son bras enflammB
Et comme je gisais sur la pierre br lanteB
Je l'entendis parler d'une voix grave et lenteB
Et cette voix toujours m'enveloppe RabbiB
Puisque l'Agneau divin d sormais a subiB
Plus amers que le fiel et la mort elle m meB
Et l'ineffable outrage et l'opprobre supr meB
D'exciter ton d sir en horreur au tombeauB
Puisque tout est fini par ton oeuvre CorbeauB
Tu ne mangeras plus b te inassouvieB
Qu'apr s trois cent soixante et dix sept ans de vieB
Et son souffle me prit comme un grand tourbillonH
Fait d'une feuille morte au revers du sillonH
Et me jeta le corps sanglant l'aile meurtrieC
Du morne Golgotha par del SamarieC
Cet Ange dit le Moine tait assur mentB
En ceci beaucoup moins s v re que cl mentB
-
-
-
C'est un supplice trange et sans nom que de vivreC
De ce qui fait mourir quand la faim vous enivreC
Et vous mord furieuse au ventre que de voirC
Quelque festin royal o l'on ne peut s'asseoirC
Et d'errer sans repos entre mille p turesA
Pour y multiplier sans tr ve ses torturesA
Depuis ce jour fatal mon Ma tre j'ai je nH
J'ai vainement mordu de mon bec acharnH
L'homme sur la poussi re et le fruit m r sur l'arbreC
L'un devenait de roc et l'autre tait de marbreC
Et toujours consum d'angoisse et de d sirC
Convoitant une proie impossible saisirC
Portant de ciel en ciel ma faim inexorableD
J'ai v cu maigre vieux haletant mis rableD
Ce fut l mon supplice et certe imm ritB
Le ch timent fut bon dit le Moine irritB
Repens toi sans nier ton infaillible JugeL
Quoi N'as tu point depuis l'universel D lugeL
Dans ta faim effroyable tant d'hommes gisantsA
Assez mang Corbeau pour je ner trois cents ansA
On ne se d fait point d'une vieille habitudeB
Sans que l' preuve dit le corbeau ne soit rudeB
Et si vous ne mangiez de sept jours seulementB
Vous verriez ce que vaut votre raisonnementB
Eussiez vous subissant vos br ves destin esA
D vor le festin de mes trois mille ann esA
Or voici gr ce vous seigneur S rapionH
Que j'ai fini le temps de l'expiationH
Votre pain tait dur vos figues taient s chesA
Mais hier le Danube tait plein de chairs fra chesA
Et portait la mer en un lit de roseauxA
Les romains gorg s qui rougissaient les eauxA
Vivez Rabbi dans la pri re et le silenceA
Un roi goth a clou l' dit d'un coup de lanceA
Droit au coeur de Valens et C sar est fait DieuB
Absolvez moi Seigneur que je vous dise adieuB
J'ai h te de revoir le vieux fleuve et ses h tesA
Vous m'avez cout vous connaissez mes fautesA
Absolvez moi mon Ma tre afin que sans retardB
De ce festin guerrier je r clame ma partB
Et m'abreuve du sang des braves et renaisseA
Aussi robuste et fier qu'aux jours de ma jeunesseA
Seigneur Dieu qui r gnez dans les hauteurs du cielD
Donnez lui dit l'Abb le repos ternelD
-
Le Corbeau battit l'air de ses ailes tiquesA
Et tomba mort le long des dalles monastiquesA

Charles Marie Rene Leconte De Lisle



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