À La Femme Que J'aurais Aimée

Oh ! la beauté visible est un présent du ciel !
Car, aux grands jours de Fart, la forme enchanteresse
Pour amant choisit Raphaël ;
Mais il est une autre richesse
Que notre coeur ému rêve souvent en vain :
Un céleste reflet, gracieux et sublime,
Qui dérobe à tout oeil humain
Sa flamme et son parfum intime ;

Un regard enivrant de l'immortel amour,
Dernier rayon divin tombé sur la nature,
Le seul qui, dédaignant l'envie et l'imposture,
Ne soit pas dans les cieux remonté sans retour...
La rose a la jeunesse et l'aurore la flamme,
La gazelle a la grâce et l'aigle la flerté ;
Mais l'intérieure beauté
Pour son temple a choisi votre âme :
Et comme cette fleur aux parfums isolés,
Que son charme trahit avant qu'on la respire,
Elle brille en votre sourire,
Et s'épanche quand vous parlez.

Oh ! combien ne verraient que votre grâce humaine,
Votre regard, ensemble et doux et sérieux.
L'intime passion du geste impérieux,
Votre touchante voix, recueillie et sereine !...

Oh l combien ne verraient sur votre front penseur
Qu'un morne abattement, une triste ironie,
Sans deviner que la douleur
Est la compagne du génie !
Sans voir que tous rayons de vos yeux envolés,
Tous parfums épanchés de votre âme profonde,
Pour vous seule ont quitté leur monde,
Des cieux brillants doux exilés !

Heureux donc est celui qui lit votre pensée !
Un invincible attrait le met à vos genoux...
Et l'amour du vrai beau, dans son âme oppressée,
Fait naître un autre amour plus ardent et plus doux!

Charles Marie Rene Leconte De Lisle The copyright of the poems published here are belong to their poets. Internetpoem.com is a non-profit poetry portal. All information in here has been published only for educational and informational purposes.